Le 10 juin dernier, notre collègue assistante d’éducation Mélanie Grapinet était poignardée par un élève de 14 ans. Nous pensons à ses proches et collègues, et aux élèves durement touché⋅es par ce drame. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas un simple fait divers. C’est toute la communauté éducative qui est en souffrance.
La réalité du métier d'assistant⋅e d’éducation n’est ni la surveillance ni le contrôle : c’est l'éducation, la présence humaine, l’écoute, l’accompagnement, le soin, le lien social.
Les AED sont souvent le premier point d’appui, la première oreille des jeunes en souffrance. Mais au lieu de reconnaître ce rôle essentiel, ils et elles subissent une précarité institutionnalisée : des contrats courts, des salaires trop bas, des horaires dégradés, et des nuits en internat partiellement payées.
Elles et ils refusent d’être des agents de sécurité dans des établissements transformés en forteresses. Nous ne voulons pas de portiques, de contrôles systématiques, de fouilles des sacs, ni de logiques répressives. La sécurisation des établissements ne doit pas servir d’alibi pour masquer la dégradation des conditions de travail et le désinvestissement massif dans l’éducation publique.
Oui, il faut parler de santé mentale. Oui, il faut des moyens pour les infirmier·es scolaires, pour la médecine scolaire, pour les psychologues, pour les assistant·es sociaux·les, pour les équipes pluridisciplinaires. Mais réduire ce débat à une simple question de prise en charge médicale, c’est passer sous silence les vraies racines du problème.
Ce que nous voyons chaque jour dans les établissements scolaires, ce sont les conséquences directes d’une société capitaliste qui génère toujours plus d’inégalités, de violences sociales, de discriminations systémiques, et de désespoir.
Notre collègue n’a pas seulement été tuée parce qu’elle était une AED. Elle a été tuée parce qu’elle était une femme. Les violences sexistes tuent chaque jour, et nous devons collectivement interroger l’éducation des garçons, les rapports de domination, le poids des stéréotypes et la généralisation inquiétante des discours masculinistes. L’école a un rôle central à jouer dans la lutte contre ces violences. C’est pourquoi il faut une formation obligatoire de l’ensemble des personnels aux violences sexistes et sexuelles, à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle et aux compétences psycho-sociales. Nous exigeons des moyens pour la mise en place effective du programme d’EVAR(S), notamment pour l’intervention de partenaires extérieurs formés.
Or, aujourd’hui, les collectivités territoriales baissent les dotations des établissements et écoles mais aussi des associations. Le planning familial de Vendée par exemple a fait connaître ses difficultés financières alors même que l’activité augmente à mesure que les enseignant⋅es prennent conscience de l’importance des séances EVAR(S) et de la qualité des interventions de l’association. Il est donc urgent de revoir les financements des collectivités territoriales pour permettre une réelle éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui permettra de lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Nous exigeons également des moyens horaires pour sa mise en place dans les établissements. Nous dénonçons l’interdiction des interventions extérieures en école primaire, sous couvert d’un contrôle sur les contenus de l’EVAR par le rectorat qui se défausse ainsi sur les personnels qu’il n’a pas formés et qui expriment davantage de difficultés dans la mise en place de l’EVAR par rapport aux collègues du 2nd degré.
Nous nous retrouvons alors que l’été démarre par une chaleur accablante, incompatible avec la vie. Nos écosystèmes se dégradent, de même que nos conditions de travail et d’apprentissage de nos élèves. Le bâti scolaire ne permet actuellement pas d’avoir des températures tolérables, beaucoup d’établissements ont les fenêtres cassées qui ne s’ouvrent plus, pas de rideaux occultants et bien sûr pas de volets… Si des efforts ont été fournis sur les constructions neuves, notamment sur l’isolation et le choix des matériaux, il est surprenant de voir des salles orientées plein Sud ou Ouest, avec des grandes ouvertures, sans volet ni casquette ni brise-soleil comme au lycée Colette le Bret d’Aizenay avec des salles dont la température augmente donc très rapidement. Il est urgent d’investir dans la rénovation du bâti scolaire et de repenser complètement nos méthodes de construction pour limiter l’impact écologique du secteur du bâtiment qui est l’un des plus polluants.
Un autre secteur très émetteur de gaz à effet de serre étant celui de l’alimentation, il est choquant de voir que rien ne s’oppose au lobbying de syndicats de l’agro-industrie ou d’Interbev au sein des établissements scolaires et écoles. Il est encore plus choquant de constater qu’une action en faveur de la végétalisation des menus ne va pas être poursuivie au lycée Branly à cause des pressions effectuées par des syndicats de l’agro-industrie proches de l’extrême droite comme la Coordination rurale.
Cette instance se tient alors que deux jeunes de 15 ans sont morts au travail en moins de deux mois. L’occasion de nous rappeler que la France est le pays européen avec le nombre d’accidents du travail le plus élevé avec 600 000 par an dont plus de 2 morts par jour en moyenne. Les jeunes ont 2,5 fois plus de risques d’avoir un accident du travail que l’ensemble des salarié⋅es, et pourtant les politiques menées ces dernières années encouragent le travail des enfants. En finançant largement l’apprentissage et avec la mise en place de la réforme du bac professionnel, l’État pourvoit à de la main d’œuvre peu chère pour les entreprises en mettant en danger nos élèves.
Les moyens financiers de changer l’école existent, aujourd’hui nos collectivités préfèrent financer des spectacles aux relents d’extrême-droite comme la cérémonie du passeport du civisme qui a coûté 70 000 euros au département de Vendée pour une mise en scène viriliste avec hélicoptère, gros bras en armures, enfants toutes et tous habillé⋅es en gris, avec du rock chantant les louanges du temps des cathédrales ou de napoléon en fond sonore. Cérémonie révisionniste et à rebours du bon sens écologique à laquelle vous avez donné caution en y participant M. le préfet et Mme la Dasen ! Ou encore comme la nuit du bien-commun mise en place par le milliardaire d’extrême-droite Pierre-Edouard Stérin qui a reçu les soutiens répétés de la présidente de Région ainsi qu’un soutien financier sur les précédentes éditions. C’est bien là toute une vision politique qui n’a rien du « bien-commun » puisqu’il s’agit de lever des fonds pour une action caritative auprès d’associations diverses dont certaines catholiques traditionalistes tout en s’opposant en parallèle à la taxation des milliardaires qui permettrait de financer les services publics, notre bien-commun à toutes et tous.
Faire de la charité plutôt que de la justice fiscale, sociale et environnementale, voici bien les politiques actuelles qui nous mènent dans le marasme que nous connaissons, avec des services publics à l’agonie et une violence croissante. Nous revendiquons donc des moyens pour une école qui accueille toutes et tous les élèves, qui écoute et accompagne, qui soutient et émancipe plutôt qu’une école des portiques et des fouilles de sacs, de la militarisation de la jeunesse aux relents patriotiques. Une autre école est possible.