Déclaration liminaire de SUD éducation académie de Nantes – CSA A du 12 juin

Mesdames et Messieurs les membres du CSA,

Nous avons appris avant-hier avec beaucoup d’émotion le décès tragique d’une collègue assistante d’éducation dans un collège de Haute-Marne, Mélanie Grapinet.

Toutes nos pensées vont à sa famille, ses proches, ses collègues ainsi qu'aux élèves du collège. Les personnels de l’Education nationale sont endeuillé·es.

Nous souhaitons aussi assurer notre pleine et entière solidarité aux élèves, aux familles, aux proches et aux personnels de l'établissement Notre Dame de toutes aides de Nantes suite à l’attaque qui a blessé des élèves et tué l’une d’entre elles.

 Ces drames sont d’abord des drame humains. Ils méritent toute notre attention et notre considération syndicales.

L’école doit être un lieu protégé où les élèves et les personnels se sentent en sécurité. Il est de la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale de construire une école juste, bienveillante, qui accompagne les élèves dans leurs difficultés et protège les personnels. 

La réponse sécuritaire dans laquelle notre institution s'est engagée, répondant aux sirènes de l'extrême-droite n'est pas adaptée. L'amélioration de la sécurité physique et morale des personnels et élèves passe avant tout par des dotations suffisantes en personnels. Pour éviter la répétition des tragédies, il faut des moyens humains accrus dans les services de vie scolaire et de santé scolaire ; il apparaît également nécessaire de diminuer le nombre d'élèves par classe, et ce, afin de mieux pouvoir repérer les situations de souffrance psychologique et de les prendre en considération.

Les missions des AED sont d'abord éducatives, jamais ils/elles ne doivent devenir des vigiles et être exposé·es à des dangers, tout comme les CPE ou les chef·fes d'établissements. Il n'est pas possible, de mourir pour son métier dans l’Éducation nationale. Les effectifs des AED doivent être renforcés, leurs missions doivent être reconnues financièrement et à leur juste valeur. Tout comme les AESH et les contractuel·les, les AED ne peuvent pas rester dans la précarité ; leur titularisation est indispensable.

Déjà, le budget 2025 avait donné lieu à des coupes budgétaires pour les services publics et à des attaques directes contre les agent·es de la fonction publique, comme la baisse de la rémunération des congés maladie et la suppression de la garantie individuelle de pouvoir d'achat pour ne pas avoir à compenser l'inflation des dernières années. Ces mesures iniques pénalisent en premier lieu les femmes, les personnels en situation de handicap et les bas salaires comme les AESH ou les AED.

Alors que les discussions budgétaires pour l'année 2026 ont commencé, il semble que la sape des services publics reste à l'agenda d'un gouvernement qui préfère réduire les dépenses publiques que mettre à contribution les grandes entreprises et les contribuables les plus riches. Pour rappel, un peu plus de 40 000 foyers fiscaux constituent les 0,1% les plus aisé·es de la population française, avec un revenu annuel d’au moins 463 000 euros. Ces très hauts revenus ont connu une augmentation annuelle de 3 % (en plus de l’inflation) depuis 20 ans, alors que les revenus du reste de la population n’ont progressé que de 0,5 %.

La conséquence directe de cette politique fiscale en faveur des plus riches, c'est l’aggravation des inégalités et la dégradation des services publics, dont vont souffrir en premier lieu les personnes les plus fragiles et les plus précaires. Dans le secteur de l’éducation, ces coupes budgétaires vont se traduire par des moyens en moins pour les élèves et les personnels. 

Certes, les suppressions de postes ne sont pas aussi importantes que prévues initialement mais elles existent pourtant dans tous les départements de l’académie. Des écoles et EPLE perdent des divisions, alors même que le nombre d’élèves augmente. Les effectifs de certaines classes atteignent des sommets, y compris dans des établissements concernés par la nouvelle sectorisation des collèges de Nantes, supposée être un engagement vers la mixité sociale. Cette surcharge des effectifs se fait bien évidemment au mépris des conditions d’apprentissage des élèves et au mépris des demandes des personnels, qui ne cessent de demander des moyens afin d'accompagner correctement tous·tes les élèves, quelque soit leur origine sociale, vers la réussite scolaire.

C’est par voie de presse que le gouvernement a annoncé le mois dernier le lancement d’une convention citoyenne sur « les temps de l’enfant ». Cette annonce est loin de répondre aux besoins urgents de l'école et laisse un goût amer quand on sait que ce sont les réformes du lycée et du collège, qui ont contribué à morceler les emplois du temps des élèves. Le rythme scolaire est une question importante mais c'est plus généralement celle du bien-être à l'école qui mérite d'être posée, ce qui suppose de réfléchir à la taille des classes, à l'état du bâti scolaire et aux moyens pour l'accompagnement des élèves.


Si nous nous félicitons de l’abandon d’une partie des mesures du “choc des savoirs”, en particulier le caractère obligatoire du DNB pour entrer en seconde, l’école reste toutefois dans un état déplorable en raison d’un sous-investissement de l’État et des réformes ministérielles successives. Pour SUD éducation, il y a urgence à bâtir une école qui lutte contre les inégalités sociales en gagnant une vraie politique d’éducation prioritaire qui réintègre notamment les lycées, et en obtenant les moyens indispensables à la scolarisation de tou·tes les élèves dans le cadre de l’école inclusive.

Nous attirons d'ailleurs votre attention sur l’accueil et la scolarisation des élèves allophones au sein de l’académie de Nantes. Alors que la circulaire de 2012 précise très clairement que l’enseignement intensif du français dans les cadre des UPE2A est « d’une durée hebdomadaire de 9 heures minimum dans le 1er degré et de 12 heures minimum dans le second degré » au cours de la première année de prise en charge, nous constatons partout sur le territoire la mauvaise application de cette circulaire. Les heures allouées sont insuffisantes, quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes. L’accueil et la scolarisation des élèves nouvellement arrivé·es repose sur la seule bonne volonté des équipes enseignantes et éducatives, bien souvent impuissantes face aux difficultés rencontrées par leurs élèves : l’inclusion forcée en classe ordinaire et l’absence de prise en charge psychologique de ces élèves sont les signes d’une rupture d’égalité et révèlent une véritable maltraitance institutionnelle. Nous prenons pour exemple le cas du secteur de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, ou celui du Mans, en Sarthe, où des dizaines d’élèves, dans le premier comme le second degré, sont resté·es sans prise en charge au cours de l’année 2024-2025. Il est urgent de débloquer davantage de moyens pour la rentrée prochaine, par des créations de postes et en dehors de toute logique d’heures supplémentaires. 

En sous-investissant dans l'école, en organisant le recul des services publics, le gouvernement nourrit le sentiment d'abandon social et déroule le tapis à l'extrême droite qui gagne du terrain en développant ses idées racistes, sexistes, validistes et lgbtiphobes.

En ce mois des fiertés, SUD éducation déplore que certains termes ne soient pas introduits plus tôt au cours de la scolarité dans les programmes d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle pour rendre compte des réalités vécues par les élèves et mettre des mots sur des situations qui font le quotidien des classes. Ainsi, le terme "LGBTIphobies" n'apparaît qu'en terminale et le terme "identité de genre" n'est abordé qu'en troisième. Dans l’Éducation nationale, la circulaire ministérielle relative à l'accueil des élèves trans est un pas en avant mais reste insuffisante. Cette circulaire conditionne la reconnaissance de l’identité de genre des élèves mineur·es à l’acceptation des parents. Cette condition est dangereuse, car elle ne respecte pas l’autodétermination des élèves, risquant de les placer en situation de grande souffrance en cas de rejet des parents.

De plus, malgré les plans et les déclarations successives des ministères de la Fonction publique et de l’Éducation nationale, l'école demeure un milieu professionnel où perdurent de nombreuses violences à l'encontre des personnels LGBTQIA+. Il est grand temps que l'académie de Nantes déploie un programme ambitieux de formation à l'EVARS pour l'ensemble des personnels, dont les encadrant·es. 

Il est tout à fait inconcevable qu'encore aujourd'hui dans notre académie des personnels en situation de handicap se voient valider un compte-rendu PPCR sans aucun rendez-vous effectif car en arrêt long. Il est urgent de déployer des formations contre le validisme, y compris chez les personnels d'encadrement. De plus, concernant l'emploi des personnels en situation de handicap, il y a à ce jour 30000 Vendéen·nes sans médecin traitant·e, par exemple. Si cette carence n'est pas le fait de notre institution, l'absence de médecin de prévention vient renforcer l'errance médicale des personnels, dont des personnels en situation de handicap qui rencontrent les plus grandes peines à faire reconnaître leurs pathologies et obtenir les aménagements de poste nécessaires. Et quand ils et elles y parviennent, c'est au sein des établissements que les chef·fes refusent les aménagements, au mépris de la jurisprudence qui indique bien que les aménagements sont prioritaires dans l'organisation du service. Pour bon nombre de collègues que nous accompagnons au quotidien, le validisme de notre institution est plus éreintant que la fatigue liée au handicap. Nous demandons qu'à la rentrée 2025 les personnels en situation de handicap soient accompagné·es comme l'exige la loi, et que les effectifs de la médecine de prévention soient renforcés. 

Par ailleurs, nous dénonçons la tenue, sur temps de classe, du concert Historock en Vendée, pour les 10 ans du passeport du civisme, conçu par un pseudo-historien qui tient des propos révisionnistes et refuse l'enseignement de l'histoire coloniale à l'école, financé avec l'argent du conseil départemental et cautionné par la direction académique de Vendée.

Il est urgent de redonner confiance en l'école publique et cela passe aussi par la fin de la complaisance envers l'école privée, dont les dérives parfois criminelles, comme à Notre-Dame de Bétharam ou Stanislas sont trop souvent passées sous silence ou couvertes par l'institution. Dans notre académie, nous exigeons que toute la lumière soit faite sur les accusations de violences sexistes et sexuelles qui auraient été commises par un personnel de direction du Lycée Notre-Dame d'Espérance de Saint-Nazaire. Une enquête rigoureuse doit être réalisée, des actions de prévention doivent être menées et des personnels formés doivent être en mesure d’entendre la parole des victimes, de les protéger et de les accompagner.

L'impunité qui prévaut dans l'école privée est d'autant plus scandaleuse que c'est très majoritairement l'argent public qui finance les institutions mises en cause. A l'institution l'Espérance en Vendée par exemple, le collège est réservé aux garçons, or c'est un collège sous-contrat avec l’État. L’État finance donc un établissement qui refuse l'enseignement aux filles, les accusant de perturber les garçons dans leurs études, l’État justifie donc par son soutien financier l' essentialisation des adolescentes, première étape du continuum des violences qu'elles subiront toute leur vie. 

Rappelons également que la Région a financé récemment à hauteur de 150.000€ deux écoles du réseau Espérances Banlieues, écoles hors contrat favorisant la ségrégation sociale et aux pratiques plus que complaisantes avec l'extrême-droite.

Concernant le Rapport Social Unique présenté lors de cette instance, SUD éducation regrette le retard pris dans notre académie quant à la mise en œuvre des dispositions légales relatives à cet outil d'analyse et de diagnostic du système éducatif. De nombreuses données sont absentes et nous contestons certains choix politiques opérés par l'autorité académique. Nous dénonçons l'absence du chapitre 10, pourtant obligatoire, et traitant de la question disciplinaire. Cela interroge. La part donnée aux questions de santé au travail (Chapitre 6) ou les rémunérations (Chapitre 5) ne laisse que peu de doutes sur les priorités de l'autorité académique en la matière. En particulier, les données et analyses sur les accidents et maladies d'origine professionnelle sont lacunaires. Que ces éléments soient par ailleurs abordés au sein de la F3SCT ne dispense pas l'autorité académique de fournir ces données de façon transparente dans le cadre du Rapport Social Unique. Enfin, SUD éducation dénonce l'absence de prise en compte des propositions et remarques formulées en amont, en particulier sur la distinction public-privé de l'ensemble des données statistiques de la Base de Données Sociale (BDS) et de leur transcription dans le RSU.

Pour conclure, notre organisation syndicale apporte son soutien à notre collègue du lycée de Sens dans l’Yonne. Sa suspension et la sanction reçue pour avoir accepté d'observer une minute de silence avec des lycéen·nes ayant demandé un temps de recueillement pour les victimes du génocide à Gaza est brutale et inconcevable. SUD éducation académie de Nantes apporte son soutien au peuple palestinien victime de massacres perpétrés par le gouvernement israélien avec le soutien de nombreux pays occidentaux, dont la France qui continue d'y envoyer des armes. Nous pensons aux 50000 enfants palestinien·nes mort·es depuis octobre 2023.