Madame la Rectrice, Mesdames et Messieurs les membres du CSA,
En décembre 2023, les résultats de l’enquête PISA ont à nouveau mis au jour le caractère profondément inégalitaire de notre école : la France est toujours l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique des élèves et la performance qu’ils obtiennent au PISA est le plus fort.
Ce constat d’une école qui reproduit les inégalités socio-économiques prend une dimension raciste lorsqu’on observe que près de 50% des élèves immigrés sont issus d’un milieu défavorisé, contre 37% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Cette caractéristique impacte directement la performance de ces élèves puisque les élèves issus de l’immigration ont 2,4 fois plus de chance de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques par exemple.
Face à ce constat, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, a choisi de dégrader le service public d’éducation par la réforme du “choc des savoirs”. Cette mesure de tri scolaire et social s’imbrique dans un continuum avec les évaluations nationales qui crée toujours plus de ségrégation, et ce dès l’école élémentaire. Les enseignant·es trouvent, majoritairement, ces évaluations inutiles, chronophages et anxiogènes pour les élèves. Quant au “choc des savoirs", il a été refusé par les personnels dans la rue et dans les urnes en juin dernier. Il faut l’abroger.
Nous portons à SUD éducation le projet d’un même accès à l’école pour toutes et tous, cela passe par une vraie politique d’inclusion scolaire. Pour cela, il faut créer un vrai statut de la Fonction publique d’État pour les AESH afin d’améliorer leurs conditions de travail.
L’accompagnement des élèves en situation de handicap est un métier, il doit être reconnu. Or, la précarité à laquelle les AESH sont exposé·es et le nécessaire cumul de contrats pour obtenir un salaire décent font exploser les horaires de travail, et rendent leurs emplois du temps quasi impossibles à suivre. Les PIAL ou les PAS ne permettent absolument pas de pallier à l’insuffisance des moyens engagés. Ces dispositifs, que SUD éducation dénonce depuis leur mise en place, dégradent considérablement les conditions de travail des AESH et nient les besoins en accompagnement individuel des élèves. Les besoins d’accompagnement des élèves en situation de handicap sont très loin d’être couverts partout dans l’académie comme nous avons pu le remarquer dès le mois de septembre. Les AESH voient même leurs emplois du temps constamment modifiés pour permettre un plus grand nombre d’accompagnements au mépris des besoins et notifications des élèves qui se retrouvent avec des accompagnements mutualisés alors qu’ils devraient être individuels.
L’accompagnement des élèves doit répondre à une obligation de résultat et non une obligation de moyens : il dépend des moyens disponibles alors qu' il devrait, au contraire, résulter des besoins des élèves.
Avec un financement public de l’enseignement privé à hauteur d’au moins 13 milliards par an, l’État finance la mise en concurrence de l’école publique et sa dégradation en payant pour garantir aux élèves des milieux favorisés l’entre-soi d’une scolarité ségréguée. Les dotations horaires globales sont également plus avantageuses dans le privé que dans le public alors même que ces établissements accueillent les élèves aux IPS les plus élevés. L’argent public doit être utilisé pour combattre les inégalités et garantir l’accès à un même service public d’éducation pour toutes et tous et non pour aggraver les inégalités sociales et scolaires. C’est pourquoi SUD éducation revendique l’arrêt du financement de l’école privée, sa nationalisation, sans indemnité ni rachat, et le transfert de ses personnels dans les corps correspondants de l’enseignement public.
Dans un contexte où l’école manque de tout et en premier lieu de moyens humains et financiers, le Premier ministre Michel Barnier a présenté un budget d’austérité où le service public d’éducation paie la facture de sa politique libérale. Le projet de budget prévoit en effet 4000 suppressions de postes d’enseignant·es : 3155 dans le premier degré, 181 dans le second degré et seulement 664 dans le privé. On constate que l’effort demandé au privé est moins important que celui demandé au public. L’annonce du recrutement de 2000 AESH supplémentaires n’est que de la poudre aux yeux : leurs conditions de travail et leur salaire de misère provoquent une difficulté de recrutement déjà constatée.
Or, ce qui est primordial c’est de recruter des personnels pour améliorer les taux d’encadrement en classe avec des postes d’enseignant·es et d’AESH, et hors des classes avec des postes d’AED, de CPE, de personnels médico-sociaux, d’agents administratifs et techniques. Ce qui est nécessaire c’est d’augmenter les moyens dans les réseaux d’éducation prioritaire, c’est la meilleure réponse à apporter pour lutter contre les inégalités sociales et scolaires. C’est ce que doit proposer le budget 2025. Au niveau académique, nous continuons de défendre l’entrée de l’école Mandela de Saint-Herblain dans le réseau d’éducation prioritaire. Nous avons aussi été alerté·es sur des modifications possibles de sectorisation de collèges pour favoriser la mixité sociale. C’est le cas des collèges Hector Berlioz et Stendhal de Nantes par exemple. Nous souhaitons nous assurer que les écoles et collèges concernées conserveront et obtiendront les moyens d’éducation prioritaire adéquats pour accompagner tous les élèves, quelque soit leur origine sociale vers la réussite scolaire.
Nous voulons aussi vous alerter sur des situations qui sont de plus en plus alarmantes puisque on a vu se multiplier des mobilisations de groupes d’extrême droite contre les futurs programmes d’Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et à la Sexualité. Ainsi, des campagnes d’affichage ont eu lieu autour d’écoles, notamment les écoles Gazonfier et Marceau au Mans. SUD éducation tient à alerter le rectorat et exige un soutien indéfectible de l’Éducation nationale envers ses personnels avec l’octroi de la protection fonctionnelle si le nom de leur école ou établissement est diffusé sur les réseaux sociaux avec des appels à la violence à leur encontre comme cela a été le cas dans d’autres académies. L’extrême droite est une menace pour l’école et pour sa vocation émancipatrice, c’est pourquoi l’école et ses personnels doivent bénéficier d’un soutien sans faille de la part du ministère de l’Éducation nationale.
L’urgence n’est pas de généraliser le SNU, ni d’imposer de nouveaux programmes en français et en mathématiques ou de faire du brevet un couperet pour l’entrée en seconde. L’urgence, c’est la défense du service public d’éducation émancipateur pour toutes et tous.