Note interne – Évaluations communes dans le second degré

Note interne de la Fédération SUD éducation

Évaluations communes dans le second degré

Avertissement

Cette note est de nature juridique. Elle ne présage rien des luttes politiques, syndicales et collectives menées sur le terrain. Elle est purement analytique, informative et argumentative. La présente note a pour règle d’or de respecter l’état du Droit (textes et jurisprudence). Les analyses et interprétations développées ici sont donc celles qui sont à la fois juridiquement soutenables et les plus favorables aux intérêts défendus par la Fédération SUD éducation.

Pourquoi cette note ?

De nombreux établissements du second degré organisent chaque année des évaluations communes (hormis les examens officiels), par exemple sous la forme d’épreuves blanches du brevet ou du baccalauréat. À cette occasion, les enseignant·es, ainsi que d’autres agent·es public·ques, sont destinataires d’ordres de la part du/de la chef·fe d’établissement, après ou sans (simulacre de) concertation préalable. Ces évaluations ont notamment des effets sur l’aménagement du service, la participation à ces dispositifs d’évaluations, la surveillances de ces épreuves. Se posent également des questions relatives à la banalisation de certains créneaux sur lesquels se tiennent ordinairement des cours, à la participation aux corrections de copies et à la rémunération des heures effectuées dans le cadre des évaluations communes au-delà du service défini pour partie hebdomadairement et pour partie annuellement.

Les ordres données par les chef·fes d’établissement peuvent être contraire à l’état du Droit, et donc illégaux. Ces ordres illégaux sont en défaveur des personnels et ne respectent pas le statut des enseignant·es ou de certains autres personnels (par exemple lorsqu’on tente d’imposer des surveillances aux AESH), qu’ielles soient fonctionnaires ou contractuel·les. Le mandat juridique a récemment (avril 2025) été alerté par plusieurs syndicats concernant des situations d’évaluations communes dont les modalités sont imposées par des chef·fes d’établissement, souvent au mépris de l’état du Droit.

La présente note entend donc exposer clairement, textes à l’appui, ledit cadre et permettre aux personnels de faire respecter leur statut devant un·e chef·fe d’établissement ignorant·e, indélicat·e ou malintentionné·e, le rectorat ou le juge administratif. Il est à noter, comme cela est examiné dans cette note, que le Ministère de l’éducation nationale s’arc-boute sur une position défavorable aux enseignant·es, et que le mandat juridique de SUD éducation considère comme partiellement illégale. La discussion de cette argumentation oblige à un certain niveau de technicité juridique car la lettre des textes n’est pas suffisamment claire en deux cas au moins. Cette note est donc assez longue et dense, mais c’est là les conditions nécessaires pour analyser clairement et de bout en bout le cadre juridique des évaluations communes et pouvoir faire respecter nos droits.

Les problèmes juridiques rencontrés concernant les évaluations communes sont de trois types : le caractère obligatoire ou volontaire de la participation des enseignant·es à ces dispositifs (I), le statut des heures consenties au-delà du service (II), le contentieux lié à la position de l’administration (III). On a inclus, à toute fin utile et à part, une FAQ. À la fin de chaque partie, on a inclus un résumé encadré, soit avec le symbole ⚖️ (juridique), soit avec le symbole ✊🏽 (lutte).

N’hésitez pas à contacter le mandat juridique pour toute question.

Le mandat juridique SUD éducation

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I. La participation alléguée comme obligatoire à des évaluations communes

A. La mission d’évaluation

1. L’évaluation comme prérogative exclusive de l’enseignant

L’article L912-1 du code de l’éducation dispose que « les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves », et qu’ielles « apportent une aide au travail personnel des élèves et en assurent le suivi. Ils procèdent à leur évaluation ». L’évaluation des élèves est ainsi une tâche clairement dévolue, de façon exclusive, aux enseignant·es.

⚖️ Seul·es les enseignantes sont compétent·es, au sein d’un établissement scolaire, en matière d’évaluation.

2. L’évaluation comme mission liée au sein des ORS

L’article 2 du décret 2014-940 porte sur « les missions liées au service d’enseignement qui comprennent […] l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation ». L’évaluation des élèves fait partie des missions liées des enseignant·es, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’exiger un décompte spécial du temps passé ou une rémunération supplémentaire pour ce type de tâches, les missions liées faisant partie des ORS (→II.B. [position du mandat juridique SUD éducation] et III.B. [position du Ministère]).

La circulaire 2015-057 dispose, en son point II., concernant les missions liées, qu’« entrent notamment dans ce cadre […] la participation à des dispositifs d’évaluation des élèves au sein de l’établissement ». Ce texte laisse planer, de façon épineuse, une amphibologie. Deux lectures peuvent ainsi être faites : soit on comprend que les enseignant·es doivent participer aux « dispositifs d’évaluation des élèves au sein de l’établissement » (on comprend alors qu’il s’agit des évaluations n’étant pas administrées par l’enseignant·e de façon autonome au sein de ses classes), soit on comprend que les enseignant·es peuvent participer aux « dispositifs d’évaluation des élèves au sein de l’établissement », et que celleux qui y participent demeurent dans le cadre des missions liées, comme pour les évaluations menées en autonomie au sein de classes dont ielles ont la charge.

Le mandat juridique de SUD éducation estime que la façon correcte de trancher cette amphibologie est de considérer, en application de la hiérarchie des normes, que la liberté pédagogique, consacrée à l’aliéna 1 de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, est une norme supérieure à la fois à l’article 2 du décret 2014-940, qui porte sur les ORS, et à la circulaire 2015-057 qui vient interpréter le décret. En vertu de ce principe, les normes inférieures ne peuvent déroger aux normes supérieures. Il n’est pas donc pas possible d’interpréter l’article 2 du décret 2014-940, en s’appuyant sur la circulaire 2015-057, d’une façon qui conduirait à limiter la liberté pédagogique consacrée à l’article 912-1-1 du Code de l’éducation. De plus, comme on l’a vu, seul·es les enseignant·es sont compétent·es en matière d’évaluation, y compris s’agissant de décider de leur opportunité à un moment donné ou de leurs modalités (→II.A.1.)

Entre les deux interprétations décrites ci-avant, la seule valable est donc la seconde donnée dans le paragraphe précédant, à savoir que les enseignant·es peuvent participer aux « dispositifs d’évaluation des élèves au sein de l’établissement », et que celleux qui y participent demeurent dans le cadre des missions liées, comme pour les évaluations menées en autonomie au sein de classes dont on a la charge.

On doit donc comprendre que l’intérêt de la formule de la circulaire est de signifier que les évaluations communes sont des évaluations ordinaires, identiques dans leur nature et leur finalité à celles menées en autonomie au sein de classes dont on a la charge, à la fois en temps que mission liée (non rémunérées ou décomptées au temps passé de façon spéciale), mais également en tant qu’acte souverainement exercé par chaque enseignant·e dans le cadre de sa liberté pédagogique. On ne doit donc pas comprendre « ordinaires » au sens où les enseignant·es doivent y participer car cela fait partie de l’ensemble des évaluations, mais au sens où leur régime n’est guère spécial lorsqu’elles ont lieu, sur la base du volontariat, car il s’agit d’une mise en œuvre de la liberté pédagogique. En cela, il s’agit d’évaluation comme les autres, chaque enseignant·e décidant de façon autonome de l’opportunité du moment ou des modalités de chaque évaluation.

Les dispositions de cette circulaire renforcent le problème d’interprétation concernant la rémunération des heures (→II.B. [position du mandat juridique SUD éducation] et III.B. [position du Ministère]). L’administration ayant tendance à interpréter les textes de la façon qui lui est le plus favorable, notamment lorsqu’il s’agit de faire des économies sur le dos des agent·es public·ques, seul un contentieux porté devant le juge administratif permettrait de préciser la façon dont le texte doit être interprété. Le mandat juridique n’a pas connaissance d’une telle décision du juge à ce jour.

⚖️ Au vu de ce qui précède, et contre la position du Ministère, le mandat juridique de SUD éducation considère donc que la participation à des évaluations communes ne peut être imposée aux enseignant·es, car c’est à elleux qu’est dévolue, au sein des établissement scolaires, de façon exclusive et individuelle, la mission d’évaluation.

B. Le pouvoir des instances scolaires et du/de la chef·fe d’établissement concernant l’organisation des évaluations communes

1. Le conseil pédagogique

a. Principe de la liberté pédagogique et tempéraments strictement énoncés

L’article 912-1-1 du Code de l’éducation dispose que « la liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. Le conseil pédagogique prévu à l’article L. 421-5 ne peut porter atteinte à cette liberté. »

Il n’existe donc que trois tempéraments à la liberté pédagogique, strictement listés dans cet article :

  1. le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale (→III.B.) ;

  2. le cadre du projet d’école ou d’établissement (→I.B.2.) ;

  3. le conseil et le contrôle des membres des corps d’inspection.

⚖️ La liberté pédagogique est le principe. Il n’existe que trois tempéraments à celle-ci, strictement énumérés à l’article article 912-1-1 du Code de l’éducation.

b. Interdiction de la limitation de la liberté pédagogique par le conseil pédagogique

Aux termes de l’alinéa 2 de cet article, il est explicitement interdit au conseil pédagogique de limiter la liberté pédagogique des enseignant·es. Une décision de cette instance ne saurait contraindre des enseignant·es de participer à des évaluations communes. Elle serait nulle de plein droit, en raison de son illégalité découlant de la violation des dispositions de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, ce texte étant supérieur à la décision querellée selon la hiérarchie des normes.

Par ailleurs, l’aliéna 2 de l’article L421-5 du Code de l’éducation dispose que le conseil pédagogique « a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires. » Si le conseil pédagogique peut s’intéresser aux modalités d’évaluation, éventuellement communes, c’est-à-dire partagées, son rôle est bien de « favoriser la concertation entre les professeurs », et non d’imposer quoi que ce soit.

⚖️ Les décisions ou avis du conseil pédagogique ne peuvent pas obliger un·e enseignant·e à participer à un dispositif d’évaluation commune.

c. Rôle et pouvoirs du/de la chef·fe d’établissement présidant le conseil pédagogique

Un·e chef·fe d’établissement, bien que présidant le conseil pédagogique (aliéna 2 de l’article L421-5 du Code de l’éducation), ne saurait ainsi imposer ses vues à cette instance sans dénaturer les textes instituant et régissant cette dernière (articles R421-41-1 à R421-41-6 du Code de l’éducation). Le rôle du/de la chef·fe d’établissement, en tant que président du conseil pédagogique, ne comprend pas la compétence de décision autonome et/ou autoritaire concernant les aspects pédagogiques (article R421-41-4 du Code de l’éducation).

Spécifiquement, on notera que « le conseil pédagogique […] est consulté sur […] la coordination relative au suivi des élèves et notamment aux modalités d’évaluation des acquis scolaires » ; « prépare, en liaison avec les équipes pédagogiques et, le cas échéant, avec le conseil école-collège […] la partie pédagogique du projet d’établissement, en vue de son adoption par le conseil d’administration » ; « contribue à l’organisation pédagogique des cycles, y compris le suivi et l’évaluation de leur mise en œuvre » (article R421-41-3 du Code de l’éducation, respectivement 2°, 4° et 5°). Quel que soit le sens que l’on donne à ces dispositions, cela ne change rien au fait qu’il est explicitement interdit au conseil pédagogique de porter atteinte à la liberté pédagogique des enseignant·es (→I.B.1.b.).

C’est le conseil d’administration qui vote pour adopter le projet d’établissement (→I.B.3.), dont la partie pédagogique est élaborée par les personnels en conseil pédagogique. Un·e chef·fe d’établissement ne peut donc pas imposer quoi que ce soit à ce sujet. Son rôle se borne à organiser les séances du conseil pédagogique et à la présider, sans que cette présidence n’emporte de faculté de diriger ou trancher les débats, ni de prendre de décision par soi-seul.

⚖️ Un·e chef·fe d’établissement ne peut imposer, en qualité de président·e du conseil pédagogique, des évaluations communes.

d. Résister à des manœuvres de manipulation du conseil pédagogique

Il peut arriver que le/la chef·fe d’établissement, ou, parfois, des collègues, cherchent à manipuler le conseil pédagogique de façon autoritaire et/ou partisane, par exemple en refusant de le convoquer ou en « oubliant » d’envoyer des convocations à certain·es personnes. En tout état de cause, il est explicitement interdit au conseil pédagogique de porter atteinte à la liberté pédagogique des enseignant·es (→I.B.1.b.). On rappelle néanmoins ici les dispositions utiles.

α. Composition du conseil pédagogique

Concernant la composition, l’article R421-41-1 du Code de l’éducation dispose que « le conseil pédagogique comprend les membres mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 421-5. Le nombre des professeurs s’ajoutant à ceux prévus par cette disposition est arrêté par le conseil d’administration. »

L’aliéna 2 de l’article L421-5 du Code de l’éducation dispose que le conseil pédagogique « réunit au moins un professeur principal de chaque niveau d’enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire, un conseiller principal d’éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. ».

L’article R421-41-1 du Code de l’éducation dispose que « le chef d’établissement désigne les membres du conseil pédagogique ainsi que leurs suppléants éventuels. Les équipes pédagogiques mentionnées à l’article R. 421-49 ont quinze jours après la rentrée scolaire pour proposer, parmi les personnels volontaires, les enseignants susceptibles d’être désignés à ce titre. À défaut de proposition dans ce délai, le chef d’établissement choisit les membres du conseil pédagogique parmi les enseignants de l’établissement. »

⚖️ C’est le/la chef·fe d’établissement qui a pouvoir de nomination des membres nécessairement présent·es au conseil pédagogique. Les enseignant·es, réunies en équipes pédagogiques (ensemble défini à l’article L912-1 du Code de l’éducation) ne font que « proposer ». Le conseil d’administration peut compléter cette liste.

✊🏽 Il est crucial d’être attentif à l’identité des personnes désignées pour siéger en conseil pédagogique. Il faut tenter de peser dans les échanges entre enseignant·es relatifs aux propositions faites au chef d’établissement, et à surveiller ielle y donne suite ou non. Il n’est pas rare qu’existent des différends pédagogiques – ou politiques – entre enseignant·es qui déterminent largement les positions prises en conseil pédagogique… ainsi que le degré de servilité, parfois intéressé, à l’égard du/de la chef·fe d’établissement.

β. Conditions de réunion du conseil pédagogique

Le conseil pédagogique « se réunit au moins trois fois par an et en tant que de besoin à l’initiative de son président ou à la demande de la majorité de ses membres. Il établit son règlement intérieur » (article 421-41-5 du Code de l’éducation). Cette disposition est notamment utile si le/la chef·fe d’établissement refuse de convoquer le conseil pédagogique alors qu’on tente de protéger ou restaurer la liberté pédagogique des enseignant·es relativement aux évaluations communes. Il faut donc mettre le sujet au débat dès que possible, particulièrement si une majorité d’enseignant·es est soucieuse du respect de la liberté pédagogique des enseignant·es et du respect des missions qui leur sont strictement dévolues.

Le conseil pédagogique « ne peut valablement siéger que si le nombre des membres présents, en début de séance, est égal à la majorité des membres composant le conseil. Si ce quorum n’est pas atteint, le conseil pédagogique est convoqué, au plus tôt le jour suivant celui de sa première convocation et au plus tard avant la tenue du conseil d’administration le plus proche, en vue d’une nouvelle réunion ; il se prononce alors valablement, quel que soit le nombre des membres présents » (article 421-41-6 du Code de l’éducation). Ces dispositions sont notamment utiles si le/la chef·fe d’établissement et/ou des collègues tentent de faire passer des modifications du projet d’établissement contraires à la liberté pédagogique et/ou d’imposer des évaluations communes en ne convoquant que certain·es enseignant·es acquis·es à sa cause.

✊🏽 Il faut sensibiliser, si nécessaire, les enseignant·es de l’établissement au respect de la liberté pédagogique et au respect du caractère exclusif de la mission d’évaluation dévolue à celleux-ci. Il convient également, au besoin, de s’appuyer sur les textes pour mettre ou remettre à la discussion la question des évaluations communes discutée au sein du conseil pédagogique. On sera bien avisé de s’engager le moins possible vers des dispositifs précis, et de consacrer, au contraire, la liberté pédagogique et la liberté totale de chacun·e en ce qui concerne les évaluations. Dans tous les cas, il faut relever et faire connaître les irrégularités liées à l’activité du conseil pédagogique, textes à l’appui. On peut nommer porter de tels griefs de légalité devant le conseil d’administration.

2. Le pouvoir du projet d’établissement

a. Rôle des enseignant·es dans la rédaction du projet d’établissement

La rédaction ou la modification du projet d’établissement, en ce qui concerne sa partie pédagogique, est de la compétence du conseil pédagogique (4° de l’article R421-41-3 du Code de l’éducation ; →I.B.1.c.).

Contrairement au conseil pédagogique, le projet d’établissement est une voie directe de tempérament de la liberté pédagogique des enseignant·es aux termes de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation (→I.B.1.a.). Il convient donc de porter une attention particulière au contenu dudit projet d’établissement. Il est approuvé en conseil d’administration (→I.B.3.).

L’article L401-1 du Code de l’éducation dispose que « dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, un projet d’école ou d’établissement est élaboré avec les représentants de la communauté éducative. Le projet est adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d’école ou le conseil d’administration, sur proposition de l’équipe pédagogique de l’école ou du conseil pédagogique de l’établissement pour ce qui concerne sa partie pédagogique. Le projet d’école ou d’établissement définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et précise les activités scolaires et périscolaires qui y concourent. Il précise les voies et moyens qui sont mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin. Il détermine également les modalités d’évaluation des résultats atteints. ».

Il convient tout d’abord de noter que cet article n’évoque nullement la question des évaluations communes. Dès lors, il n’est pas nécessaire de faire figurer quoi que ce soit relativement auxdites évaluations communes dans le projet d’établissement.

La circulaire 90-108 indique en son point II. que « le projet d’établissement est en premier lieu une démarche pédagogique. Il permet de faire converger les pratiques diverses de tous les enseignants vers un objectif commun, il met en évidence l’intérêt de la réflexion et du travail collectifs des enseignants, gage de cohérence et d’efficacité de l’action éducative. Il veille dans le même temps à respecter le caractère individuel de l’acte pédagogique et la responsabilité de l’enseignant dans sa classe. Il n’y a pas de projet d’établissement qui ne repose sur un projet pédagogique, ce qui souligne la responsabilité propre des enseignants dans son élaboration. »

On constate donc que, si la liberté pédagogique peut être limitée par le projet d’établissement, les instructions de la circulaire précitée réitère l’importance du caractère individuel de l’acte pédagogique, une évaluation constituant évidemment un acte pédagogique. Cette circulaire abonde en préconisations en ce sens. La circulaire éclaire en ce sens l’esprit des propositions du conseil pédagogique en matière d’évaluations communes éventuelles.

✊🏽 On pourra s’appuyer sur ces textes pour faire reconnaître le caractère individuel de l’acte pédagogique, y compris s’agissant des évaluations. De là, il devient illégal de chercher à forcer la participation aux dispositifs d’évaluations communes, qui n’est qu’encouragée.

La bataille concerne donc les restrictions possibles à la liberté pédagogique par le projet d’établissement, point crucial concernant les évaluations communes, puisque le projet d’établissement pourrait intégrer – de façon certes discutable, mais tout de même, des évaluations communes obligatoires, auquel cas on ne pourra plus s’appuyer sur la liberté pédagogique pour les refuser. Il est difficile de s’opposer à une majorité de collègues, mais bien plus facile de s’opposer à une minorité et/ou à un·e chef·fe d’établissement qui voudrait imposer des évaluations communes. En cas de forçage, un recours en excès de pouvoir peut être engagé. Il convient de tenir compte du devoir d’obéissance et de son tempérament quant à savoir si on doit obéir à un tel ordre (→III.A.).

b. Contradiction juridique et préconisations liées aux mentions relatives aux évaluations communes dans le projet d’établissement

L’article L401-1 du Code de l’éducation incite à inscrire des mesures relatives aux évaluations. On conseille donc que soit inscrite dans le même document, par précaution et comme moyen d’opposition à un·e chef·fe d’établissement présent·e – ou futur·e – qui voudrait imposer des évaluations communes, un rappel consécratoire de la liberté pédagogique de chaque enseignant·e, au visa de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation. On conseille d’y ajouter une mention spécifiant que l’éventuelle mise en place et participation à des dispositifs d’évaluations communes seront souverainement décidées par les enseignant·es exclusivement, chaque année, et qu’il ne sera pas possible de contraindre un·e enseignant·e à participer à de tels dispositifs. Il faut bien indiquer que l’on discutera de l’opportunité, pour chaque cas, de tels dispositifs, et que seul·es les enseignant·es peuvent en décider, en application de la liberté pédagogique et de la mission exclusive d’évaluation qui leur est confiée (→I.A.1.).

⚖️ On se retrouve avec une contradiction juridique comme suit :

  1. Le conseil pédagogique ne peut porter atteinte à la liberté pédagogique (aliéna 2 de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation) ;

  2. Le projet d’établissement peut porter atteinte à la liberté pédagogique (aliéna 1 de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation) ;

  3. En toute logique, c’est la partie pédagogique du projet d’établissement qui peut porter atteinte à la liberté pédagogique ;

  4. La partie pédagogique du projet d’établissement est rédigée par le conseil pédagogique (4° de l’article R421-41-3 du Code de l’éducation) ;

  5. (retour au 1., constat de la contradiction.)

L’article 912-1-1 du Code de l’éducation semble donc contenir une contradiction entre les dispositions de ses deux aliénas (ce qui s’explique par la succession des réformes faites à la hâte et imposée sans intelligence par le Ministère).

✊🏽 Face à cette contradiction dans les textes, il convient de lutter pour ne pas inscrire le principe d’évaluations communes dans le projet d’établissement, au risque, sinon, de créer une limitation de la liberté pédagogique. On conseille de sensibiliser les collègues enseignant·es à ce risque d’amoindrissement de la liberté pédagogique, et à la nécessité de refuser d’inscrire quoi que ce soit dans le projet d’établissement de contraignant pour tout·es et chacun·e relativement à des évaluations communes.

Si des évaluations communes sont déjà prévues dans le projet d’établissement, on conseille de sensibiliser les collègues afin que soient effacées ou, a minima amendées ces mentions lors de la prochaine réécriture du texte. Il s’agit de préserver la liberté pédagogique des collègues présent·es, mais aussi futur·es. Chacun·e y a intérêt. Qui voudrait arriver dans un nouvel établissement où d’autres ont déjà tout décidé pour nous de façon contraignante ?

Il est préférable d’inscrire des mentions protectrices de la liberté pédagogique et de la mission exclusive d’évaluation dévolue aux enseignant·es dans le projet d’établissement plutôt que de ne rien mettre, ce qui laisserait la voie à des tentatives de la part de la hiérarchie ou de collègues dont l’esprit serait peu démocratique ou soucieux de la liberté pédagogique de chacun·e. Il convient de reconnaître le travail en équipes pédagogiques, mentionné à l’article L912-1 du Code de l’éducation, mais de réitérer que l’évaluation est un acte individuel et souverain de chaque enseignant·e. Il s’agit d’aménager favorablement les dispositions, placées au même niveau de la hiérarchie des normes (Code de l’éducation) entre la liberté pédagogique et la mission d’évaluation d’un côté, et le projet d’établissement et la coopération des équipes pédagogiques de l’autre. (À ce sujet, l’article R421-49 du Code de l’éducation dispose que « les équipes pédagogiques constituées par classe, ou groupe d’élèves éventuellement regroupés par cycles, favorisent la concertation entre les enseignants ». Il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit. C’est la même logique que s’agissant du conseil pédagogique.)

3. Le pouvoir du conseil d’administration

Les mêmes textes que ceux cités précédemment, et notamment l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, consacrent la liberté pédagogique de chaque enseignant·e. A contrario, aucun texte ne donne de compétence au conseil d’administration pour imposer quoi que ce soit en matière pédagogique. Il n’a donc aucune compétence, à l’exception de l’adoption du projet d’établissement (→I.B.2.), sur proposition du conseil pédagogique (→I.B.1.a.). Le conseil d’administration ne peut qu’approuver ou rejeter, par le vote, la proposition du conseil pédagogique. Il ne peut pas modifier celle-ci ou en mettre une autre au vote.

Il convient donc de s’opposer à toute volonté contraire de membres du conseil d’administration, y compris du/de la chef·fe d’établissement, et de rappeler les textes en vigueur, notamment les dispositions de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation qui consacre la liberté pédagogique de chaque enseignant·e. Le conseil d’administration n’est pas listé parmi celleux qui peuvent limiter la liberté pédagogique. On pourra s’appuyer, le cas échéant, sur les analyses relatives au conseil pédagogique (I.B.1.) et au projet d’établissement (I.B.2.).

⚖️ Une décision du conseil d’administration contraire à l’état du Droit (liberté pédagogique, mission d’évaluation exclusivement confiée aux enseignant·es etc.) serait nulle de plein droit, en raison de son illégalité découlant de la violation des dispositions de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, ce texte étant supérieur à la décision querellée selon la hiérarchie des normes. En cas de forçage, un recours en excès de pouvoir peut être engagé.

4. Sur le pouvoir du/de la chef·fe d’établissement

Les mêmes textes que ceux cités précédemment, et notamment l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, consacrent la liberté pédagogique de chaque enseignant·e. A contrario, aucun texte ne donne de compétence au/à la chef·fe d’établissement pour décider de façon autoritaire quoi que ce soit en matière pédagogique. Il n’a donc aucune compétence en la matière.

Ainsi, s’il revient au/à la chef·fe d’établissement de faciliter l’organisation et la mise en œuvre des évaluations communes proposées par les équipes pédagogiques (ou prévues dans le projet d’établissement), ielle ne saurait en imposer ni le principe ni en déterminer les modalités sans outrepasser son rôle. Ce dernier est strictement logistique en la matière (création d’un calendrier de surveillance, banalisation des cours, édition et envoi des convocations aux élèves, information aux responsables légaux·ales etc.).

Un·e chef·fe d’établissement ne peut dicter à des enseignant·es des modalités d’évaluation qui ne sont pas de sa compétence. En effet, ielle n’a, par principe, aucune compétence en matière pédagogique. Les personnels compétents en la matière sont les membres des corps d’inspection et leurs chargé·es de mission, tel que cela ressort de l’aliéna 1 de l’article 912-1-1 du Code de l’éducation. Cet article ne dit pas non plus que les équipes pédagogiques, nommées et décrites par les dispositions de l’article R421-49 du Code de l’éducation, peuvent porter atteinte à la liberté pédagogique. Un·e chef·fe d’établissement ne peut donc pas réunir en ce sens lesdites équipes lors des réunions qu’ielle préside alors (aliéna 3 de l’article R421-49 du Code de l’éducation).

Les devoirs communs sont donc à l’initiative des équipes pédagogiques, soit par matière (devoir commun de philosophie en Terminale, par exemple), soit par niveau (classe de Troisième en vue du DNB, par exemple). L’article 912-1 du Code de l’éducation dispose en effet que « les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves. Ils travaillent au sein d’équipes pédagogiques ; celles-ci sont constituées des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire et des personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires dans les écoles. Les personnels d’éducation y sont associés. Le travail transversal et pluridisciplinaire ainsi que l’innovation pédagogique sont encouragés ». La participation aux évaluations communes ne peut être obligatoire, elle n’est qu’encouragée (→I.A.) (sauf dans le cas discutable où ces évaluations communes sont inscrites dans le projet d’établissement, →I.B.2.).

⚖️ Un·e chef·fe d’établissement ne peut imposer la tenue ou les modalités d’évaluations communes car il s’agit d’un acte pédagogique pour lequel ielle n’a pas compétence. Ielle ne peut que faciliter la mise en œuvre de tels dispositifs souverainement décidés par les enseignant·es, et sans que certain·es, ou même la majorité, puissent l’imposer à d’autres.

5. Conclusion sur le caractère non obligatoire de la participation aux dispositifs d’évaluation commune

⚖️De façon générale, la liberté pédagogique, et ses tempéraments, étant prévus à l’article 912-1-1 du Code de l’éducation, aucune décision d’un·e chef·fe d’établissement, d’un conseil d’administration, d’un conseil pédagogique, d’un·e coordinateur·trice de discipline ou d’autres enseignant·es, même majoritaires, ne peut y porter atteinte, étant donné l’ordonnancement juridique de la hiérarchie des normes. Les dispositions du Code de l’éducation sont supérieures aux décisions ou avis de ces instances ou personnes.

Il est donc loisible à tout·e enseignant·e, de refuser de participer à des évaluations communs s’ielles estiment inadaptées ou inopportunes ces modalités d’évaluation. (sauf dans le cas litigieux où ces évaluations communes sont inscrites dans le projet d’établissement. →I.B.2.).

Il est donc possible de les contester juridiquement le cas échéant par une demande écrite en ce sens au/à la chef·fe d’établissement, et, au-delà, par un recours administratif ou contentieux. Il est alors extrêmement utile, si possible, de construire un rapport de force collectif et syndical au sein de l’établissement.

II. Sur les heures surveillance des évaluations communes

A. Principe d’organisation des surveillances des épreuves d’évaluation commune

1. Sur le pouvoir d’imposer des heures de surveillance des épreuves d’évaluation commune

Sur la base des ORS, prévues à l’article 2 du décret 2014-940, les services des enseignant·es sont fixés à la fois hebdomadairement et annuellement (se référer à la fiche de ventilation de service [VS]). Si jusqu’à deux HSA peuvent, en principe, et sauf raisons de santé, être imposées à l’année (point III. de l’article 4 du décret 2014-940), ce n’est pas le cas des HSE. Aucune disposition légale ou réglementaire ne permet à un·e chef·fe d’établissement d’imposer ne serait-ce qu’une seule HSE à un·e enseignant·e1.

Si le temps de conception des sujets ou de correction de copies sont, de façon évidente, compris comme temps lié à l’évaluation, et donc compris dans les missions liées (→I.A.2.), ce n’est pas le cas du temps passé à surveiller les élèves composant. Lorsqu’un·e enseignant·e fait passer une évaluation et surveille donc ses élèves, c’est, sauf situation extraordinaire, sur son temps de service. Si on suivait l’interprétation du Ministère (→III.B.), à savoir que les surveillances d’évaluation font partie des missions liées et que temps passé ne saurait donc donner lieu ni à décompte ni à rémunération spéciales, cela signifierait que l’on pourrait demander aux enseignant·es, pour toutes les évaluations, de faire passer celles-ci en dehors des heures de service prévues à l’emploi du temps, et en sus du service. Cela apparaît évidemment absurde. Le fait de faire passer des évaluations sur son temps ordinaire de service serait donc un manquement aux ORS prévus au II. de l’article 2 du décret 2014-940. Or, il est patent que cela n’est pas le cas. Cette démonstration par l’absurde permet donc de définir ce que recouvre la mission liée d’évaluation. De plus, il faut se rappeler que les évaluations communes ne suivent pas un régime spécial (→I.A.2.).

Si je n’effectue pas mon service complet (TZR affecté partiellement dans un établissement d’exercice, TZR sans affectation dans le RAD), l’administration peut me demander un nombre d’heures à concurrence de mon ORS.

⚖️L’évaluation, prévue dans les missions liées, recouvre le temps de conception des sujets et de correction des copies, mais pas le temps de surveillance des épreuves. En conséquence, les heures de surveillance sont des heures de service ordinaires. Cela signifie qu’ :

  1. on ne peut imposer des heures de surveillance au-delà du service défini annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA). Ces heures supplémentaires (HSE), éventuellement consenties, ne peuvent être imposées, ce qui constituerait sinon une violation des dispositions de l’article 2 du décret 2014-940) ;

  2. il convient de rémunérer les heures effectuées au-delà du service défini annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA), conformément au décret 50-1253 (→III.B.).

✊🏽 L’enjeu est crucial : il s’agit à la fois de ne pas accepter d’effectuer encore plus de travail gratuit au prétexte des missions liées. On conseille donc d’effectuer un recours contre toute décision tendant à imposer, au-delà du service dû, des heures supplémentaires. Il convient de tenir compte du devoir d’obéissance et de son tempérament quant à savoir si on doit obéir à un tel ordre (→III.A.).

2. Pouvoir d’un·e chef·fe d’établissement pour réorganiser le service

Le/la chef·fe d’établissement ayant pouvoir pour organiser le service (1º de l’article R421-10 du Code de l’éducation), des cours peuvent être banalisés pour la tenue d’évaluations communes. En ce cas, des surveillances peuvent être imposées aux enseignant·es, soit à la place de ces heures de cours, soit à un autre moment de la semaine, dans la limite du service (→II.B.3.). Il n’est pas possible de reporter d’une semaine sur l’autre cependant, étant donné que l’article 2 du décret 2014-940 prévoit des ORS hebdomadaires.

✊🏽 Si les emplois du temps peuvent être modifiées par le/la chef·fe d’établissement, on conseille de lutter localement pour éviter les changements de dernière minute, sans en avoir été informé suffisamment à l’avance, de façon trop défavorable, sans concertation préalable etc.

3. Absence de limite hebdomadaire au nombre d’heures supplémentaires

Le Ministère estimant que l’encadrement des épreuves et la correction des copies occasionnées par les évaluations communes relèvent des missions liées, il n’y aurait pas lieu à décompter des heures supplémentaires (→III.B.). SUD éducation défend une autre interprétation juridique et démontre que le Ministère interprète les textes de façon erronée.

En principe, il n’y a pas de limite hebdomadaire aux heures supplémentaires2. Cependant, les enseignant·es à temps partiel ou à mi-temps thérapeutique bénéficient de dispositions spéciales.

Concernant les enseignant·es bénéficiant d’un temps partiel ordinaire, l’article 1 du décret 50-1253 (modifié par le décret 2021-1327) ouvre la possibilité à des heures supplémentaires (dénommées en ce cas « heures complémentaires »). Cependant, l’article R911-6 du Code de l’éducation indique clairement que ces heures sont uniquement à la demande de l’enseignant·e. Il n’est donc pas possible d’imposer la moindre heure supplémentaire à un personnel à temps partiel. (Le montant maximal des heures complémentaires est alors dans la limite d’une rémunération effective, pour chaque mois, d’un traitement à temps plein).

Concernant les enseignant·es bénéficiant d’un temps partiel thérapeutique, l’objectif du temps partiel thérapeutique est de permettre à l’agent·e de reprendre ou poursuivre son activité dans des conditions favorables à sa guérison ou à la consolidation de son état, et, plus globalement, à l’amélioration de son état de santé. C’est donc incompatible avec toute heure supplémentaire (dénommée en ce cas « heure complémentaire »), volontaire ou imposée puisque le fondement de la décision se trouve dans la nécessité de réduire la quotité de service. De telles heures sont interdites en temps thérapeutique (article 23-10 du décret 86-442).

⚖️ Il n’est pas possible d’imposer des heures complémentaires aux personnels à temps partiels. Les bénéficiaires d’un mi-temps thérapeutique ne peuvent pas faire d’heures complémentaires.

B. Rémunération des heures de surveillance

Le Ministère estimant que l’encadrement et la correction des copies occasionnées par les évaluations communes relèvent des missions liées, il n’y aurait pas lieu à décompter des heures supplémentaires (→III.B.). SUD éducation défend une autre interprétation juridique et a démontré que le Ministère interprète les textes de façon erronée (→II.A.).

Il y a donc lieu à rémunérer les heures consenties au-delà du service défini à la fois hebdomadairement et annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA).

Le taux des heures supplémentaires (ou complémentaires pour les personnels à temps partiel non thérapeutique) (HSE) est défini l’article 5 du décret 50-1253. Il est réduit de 50 % pour la mission de surveillance.

⚖️ Les heures de surveillance au-delà du service défini à la fois hebdomadairement et annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA) sont rémunérées en HSE, avec un taux réduit de 50 %.

C. Sur l’équation « une heure de service = deux heures de surveillance »

Cette prétendue équation repose sur une confusion, entretenue par l’administration puisqu’elle est à son avantage. Pourtant, cela est limpide. La confusion est ainsi entre, d’une part, le service (décompté en heures) et, d’autre part, le taux de rémunération des HSE pour surveillance. Les HSE de surveillance sont rémunérées à un taux de 50 % de l’HSE ordinaire (→II.B.). Ce n’est donc pas que l’on doit deux heures de surveillance pour une heure de service banalisé. L’administration ne peut exiger qu’un nombre d’heures à concurrence du service défini annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA). Elles rémunèrent cependant les éventuelles HSE à demi-taux pour les activités de surveillance, conformément à l’article 5 du décret 50-1253. Il n’existe pas de « sous-service », c’est un abus de langage. On ne « doit » pas d’heures à l’administration quand on est en deçà de son service défini annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA). C’est plutôt que l’administration peut nous demander, dans le cadre de certaines tâches prévues, et donc limitées, par les textes, d’effectuer un nombre d’heures à concurrence du service défini à la fois hebdomadairement et annuellement (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA). Elle ne peut rien imposer au-delà du service. Il s’agit purement de volontairement.

Le nombre d’heures exigibles varient donc selon le service de chaque enseignant·e. Si on n’a pas d’HSA, alors l’administration ne peut demander qu’un nombre d’heures égal à l’ORS (sauf interprétation très contestable et improbable des textes, →II.A.1, note ). Si on a des HSA, c’est à concurrence de l’service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA, et toujours sur une semaine, et donc sans report ni anticipation sur d’autres semaines puisque les ORS sont hebdomadaires (→II.A.2).

Cette prétendue équation est d’autant plus absurde que cela signifierait que lorsque l’on surveille un devoir dans sa classe, il nous faudrait effectuer 50 % du temps de surveillance en sus pour « compléter » notre service (par exemple, une heure de surveillance compterait pour 30 minutes). Ce n’est évidemment pas le cas.

L’équation est donc fausse.

⚖️ Tant que l’on est dans la limite du service (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA), l’administration peut nous demander d’effectuer un nombre d’heures à concurrence de celui-ci, quelle que soit la tâche effectuée. Il n’y a alors pas lieu à rémunération supplémentaire (article 2 du décret 2014-940 ; →II.B.). Si l’on dépasse le service, les heures sont rémunérées en sus, au taux de 50 % d’une HSE (article 5 du décret 50-1253 ; →II.B.).

III. Stratégie syndicale et contentieux

A. Cadre légal de la désobéissance à un ordre contraire à l’état du Droit

1. Conditions cumulatives pour désobéir à un ordre illégal

Au regard de tout ce qui précède, on doit rappeler, pour pouvoir personnellement, collectivement et syndicalement se positionner, que désobéir à un ordre, c’est toujours s’exposer à des suites pénibles. Cela ne veut pas dire – pas le moins du monde, même – qu’on entend ici encourager à obéir aux chef·fes, qui-plus-est quand l’ordre donné est contraire au Droit. Cependant, il est sage de s’engager en connaissance de cause dans la désobéissance.

Le premier problème concerne le fait, pour un·e chef·fe d’établissement, de donner des ordres qui seraient contraires à l’état du Droit, et donc illégaux. L’article L121-10 du Code général de la fonction publique dispose que « l’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Le fait que l’ordre soit illégal ne suffit pas. L’exception de désobéissance, prévue par la loi, exige quatre critères cumulatifs :

  1. Le caractère illégal de l’ordre donné ;
  2. La caractère manifeste du caractère illégal de l’ordre donné ;
  3. La compromission d’un intérêt public consécutive à l’ordre donné ;
  4. Le caractère grave de la compromission d’un intérêt public consécutive à l’ordre donné.

La charge de la preuve repose sur l’agent·e qui reçoit l’ordre, et non sur celui ou celle qui le donne – actori incumbit probatio, « la preuve incombe au demandeur » (le principe étant l’obéissance). Il faudrait donc invoquer, et démontrer :

  1. Que l’ordre donné est illégal au regard des textes ci-avant cités ;
  2. Que les textes étant très clairs, le caractère manifeste de l’illégalité de l’ordre est établi ;
  3. Que le non-respect du statut des enseignant·es ou de tout autre personnel (selon : liberté pédagogique, ORS, droit à rémunération etc.), d’intérêt public, est compromis par l’ordre donné ;
  4. Que la compromission de cet intérêt public est grave (garanties fondamentales du statut des fonctionnaires en général et/ou des enseignant·es en particulier et/ou d’autres personnels).

Tout cela n’a rien d’évident, et l’administration est prompte à s’entêter.

✊🏽 Il est difficile de démontrer la réunion des quatre conditions pour désobéir légalement à un ordre. Cependant, on peut parfois impressionner un·e chef·fe d’établissement avec les textes et analyses juridiques, qui reculera alors.

2. Préférence pour le dialogue en amont avec le/la chef·fe d’établissement

Devant la difficulté à satisfaire à l’ensemble des critères légalement exigibles pour la reconnaissance de la légalité de l’acte de désobéissance à un ordre reçu, par voie d’exception, on recommande donc, armé·es des textes et analyses présentés ci-dessous, de s’entretenir, via les représentant·es des personnels syndiqué·es, lorsque cela est possible, avec le/la chef·fe d’établissement et de demander l’annulation des ordres illégaux.

Si le/la chef·fe d’établissement maintient son ordre, la seule exception de non-obéissance est celle ci-avant citée. Aucun recours n’est suspensif. Il faudra en tout état de cause démontrer que l’ordre – ou les ordres plutôt, puisqu’il y a souvent une série d’instructions, à examiner une par une donc – remplissent les quatre critères ci-avant détaillés. C’est en général difficile à démontrer, car l’administration, tout comme le juge administratif, nous aiment obéissant·es.

Il est donc préférable de s’efforcer d’obtenir victoire en amont sur autant de points (qui sont autant d’ordres) que possible. D’un point de vue collectif et syndical, il s’agit d’abord de présenter les textes au/à la chef·fe d’établissement, en les appliquant au cas d’espèce, et de démontrer ainsi leur illégalité. Si le/la chef·fe d’établissement refuse de revenir sur les ordres donnés, il faut tâcher de montrer que les personnels sont prêt·es à une mobilisation contre ces ordres illégaux, et que des recours administratifs et contentieux seront effectués. On peut aussi évoquer la grève lors de la passation des évaluations communes etc.

On rappellera, par ailleurs et à toute fin utile, que les AESH ne peuvent se voir confier des missions de surveillance. La circulaire n° 2017-084 ne prévoit, en son point 1., pas la mission de surveillance. De plus, la circulaire n° 2019-090 dispose, en son point 3.1, que « les missions que peuvent se voir confier les AESH sont précisées par la circulaire du 3 mai 2017 susvisée. Les agents ne doivent pas se voir confier par les services académiques, par les écoles ou les établissements des tâches ne figurant pas dans les textes qui leur sont applicables ».

✊🏽 La meilleure tactique consiste à démontrer au/à la chef·fe d’établissement qu’ielle a tort juridiquement. Il est également essentiel de construire un rapport de force collectif et syndical. Lorsque les bénéfices escomptés sont inférieurs aux désagréments prévisibles, sauf cas – pas si rare – d’entêtement forcené, des chef·fes d’établissement peuvent revenir sur leurs ordres.

3. Risques inhérents à la désobéissance à un ordre donné

Si l’on désobéit à un ordre donné (et éventuellement maintenu après (tentative de) dialogue), chaque personnel concerné·e s’expose à (a) un retrait d’1/30e de traitement ou de salaire (probable) ; (b) une lettre de réprimande – qui ne peut être versée au dossier de l’agent·e3 (peu probable) ; une procédure disciplinaire (très improbable). Seule une victoire définitive en cas de recours administratif ou contentieux peut contraindre l’administration à annuler les mesures prises pour désobéissance (dont la restitution des sommes prélevées pour service non fait).

Étant donné que les corps d’inspection peuvent tempérer la liberté pédagogique des enseignant·es, il serait utile de connaître leur position, afin de savoir si on peut en attendre un soutien en cas de conflit avec le/la chef·fe d’établissement – ce qui est peu probable. Cependant, les corps d’inspection ne peuvent indûment restreindre la liberté pédagogique des enseignant·es (→I.A.). Cependant, aller à la fois contre les ordres d’un·e chef·fe d’établissement et de l’Inspection est d’autant plus répréhensible a priori. Il faut donc faire preuve de prudence avant de demander officiellement la position de l’Inspection.

Quant à savoir ce qu’il en serait de refuser de prendre des copies ou de corriger, cela relève de la question de la liberté pédagogique, comme énoncé ci-avant. Le/la chef·fe d’établissement peut imposer à un·e enseignant·e d’évaluer ses élèves (1° et 2° de l’article R421-10 du Code de l’éducation), puisque cela fait partie des missions des enseignant·es (→I.A.), mais il ne peut dicter les modalités de l’évaluation. Reste à voir la position de l’Inspection si le/la chef·fe d’établissement fait appel à elleux (→I.B.1.). Cependant, le Ministère juge différemment, et, si son avis n’est pas étayé, il est pourtant difficile de le contredire fermement (→III.B.).

✊🏽 Il convient de présenter de façon honnête et exhaustive aux collègues pouvant potentiellement désobéir les conséquences d’un tel acte. Cependant, il faut également largement rappeler que plus la désobéissance est massive, plus il est difficile à l’administration de sanctionner des agent·es, surtout lorsque la situation n’est pas juridiquement claire, comme c’est en partie le cas ici. De nombreux arguments, et solides encore, textes à l’appui, sont présentés ici pour faire pencher la balance en sa faveur.

B. Position discordante de la Direction des affaires juridiques [DAJ] du Ministère relativement aux corrections des copies des évaluations communes et la rémunération afférente

1. Position du Ministère

Dans sa note A2 n° 2017-0007 du 14 février 2017 (reproduite dans la lettre d’information juridique [LIJ] n° 198 de Mai 2017, p. 20), la Direction des affaires juridiques du Ministère a signifié la position suivante :

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur le régime applicable à la participation des personnels enseignants à l’encadrement et à la correction d’épreuves des « brevets blancs » organisées au cours de l’année scolaire par leur collège pour la préparation des élèves des classes de troisième aux épreuves de l’examen du diplôme national du brevet.

1. Il ressort des dispositions de l’article 2 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré que ceux-ci « sont tenus d’assurer, sur l’ensemble de l’année scolaire : / (…) / II. Les missions liées au service d’enseignement qui comprennent (…) l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, (…) le travail au sein d’équipes pédagogiques (…) ».

La participation à l’encadrement et à la correction d’épreuves du « brevet blanc » s’inscrit donc bien dans les missions statutaires des enseignants au sens des dispositions du décret du 20 août 2014. L’évaluation des élèves par les personnels enseignants ne peut se limiter aux seuls interrogations et devoirs auxquels l’enseignant soumet les élèves de ses classes tout au long de l’année scolaire dans la mesure où la nécessité de repérer les difficultés des élèves afin de mieux assurer la progression des apprentissages amène les personnels à pratiquer différentes formes d’évaluation.

Un enseignant ne peut donc pas refuser d’apporter son concours à la correction d’épreuves d’entraînement au diplôme national du brevet que subissent les élèves d’autres classes que les siennes puisqu’avec ses collègues, il forme une équipe pédagogique définie par l’article L. 912-1 du Code de l’éducation comme « constitué[e] des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire (…). Les personnels d’éducation y sont associés ».

L’entrée en vigueur du décret du 20 août 2014 susmentionné n’a pas modifié l’état du droit sur ce point.

2. La participation à l’encadrement et à la correction des épreuves du brevet blanc ne peut donner lieu à une rémunération supplémentaire dans la mesure où ces activités font partie des missions statutaires des enseignants liées à leur service d’enseignement et où aucun texte ne prévoit une telle rémunération.

Le versement d’une rémunération supplémentaire est limité au seul cas de la participation d’enseignants à des activités liées au fonctionnement de jurys de l’examen du diplôme national du brevet dans les conditions fixées par le décret n° 2010-235 du 5 mars 2010 relatif à la rémunération des agents publics participant, à titre d’activité accessoire, à des activités de formation et de recrutement et par l’arrêté du 13 avril 2012 relatif à la rémunération des intervenants participant à titre d’activité accessoire à des activités liées au fonctionnement de jurys d’examens conduisant à la délivrance de diplômes ou certificats relevant du ministre chargé de l’éducation nationale.

2. Critique de la position du Ministère par le mandat juridique de SUD éducation

Le Ministère a défini sa position en réponse à une interrogation liée à l’organisation d’épreuves de brevet blanc. Sa position peut être extrapolée sans difficulté pour tout type d’évaluations communes, dès lors qu’il ne s’agit pas d’épreuves officielles terminales en vue de la délivrance d’un titre scolaire (les matières en contrôle continu ne tombent pas dans cette dernière catégorie). Ce qui est dit ici concerne donc toutes les évaluations communes menées en autonomie à l’échelle d’un établissement.

a. Sur l’encadrement (surveillance) des épreuves d’évaluation commune

Le mandat juridique de SUD éducation conteste l’interprétation des textes par le Ministère (→II.A.). En l’absence de contentieux connu, seul un juge administratif pourrait trancher une telle divergence d’interprétation.

SUD éducation considère, et avec plus d’assise juridique que la Ministère encore, que le périmètre de la mission liée d’évaluation (→I.A.2.) ne permet pas d’imposer des heures de surveillances au-delà du service (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA) (→II.A.1.). On a notamment démontré par l’absurde que le temps de surveillance des élèves lors de la passation d’épreuves d’évaluation commune est inscrit dans les heures habituelles de service (heures d’enseignement), et qu’on ne peut considérer que le caractère de mission liée de la tâche d’évaluation permet de d’exclure du service des heures d’enseignement les heures de surveillance. (On sera attentif à l’interprétation fantasque, mais pas complètement impossible, de la note (→II.A.). En tout état de cause, ces heures imposées devraient alors être rémunérées.)

Les heures de surveillance dues sont décomptées sur la base de la formule suivante : au maximum, une heure de service banalisée par le/la chef·fe d’établissement = une heure de surveillance, dans le respect du service (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA) (→II.A.1.). Le service d’enseignement hors missions liées étant hebdomadaire, il n’est pas possible de demander une compensation des heures non faites en dehors de la même semaine (→II.A.1.). Il est faux d’affirmer qu’une heure de cours libérée équivaudrait à deux heures de surveillance (→II.C.).

Toute heure consentie au-delà du service (service d’enseignement hors missions liées + éventuelles HSA) doit être rémunérée, à un taux équivalent à 50 % d’une HSE (→II.B.).

La mission d’évaluation étant confiée de façon exclusive, au sein d’un établissement scolaire, aux enseignant·es (→I.A.1.), seul le projet d’établissement pourrait disposer autrement (→I.B.2.) et décider de la participation à des dispositifs d’évaluation commune. Cependant, ne pouvant porter atteinte à la liberté (article 2 de l’article L912-1-1 du Code de l’éducation), le conseil pédagogique ne peut agir en ce sens.

⚖️ Il s’agit là du point le plus délicat, car il est impossible :

  1. de déclarer que le projet d’établissement ne peut porter atteinte à la liberté pédagogique, étant donné qu’il s’agit d’une des trois limites strictement énumérées à l’aliéna 1 de l’article L912-1-1 du Code de l’éducation ;

  2. de déclarer que le conseil pédagogique peut porter atteinte, via la rédaction de la partie pédagogique du projet d’établissement mis au vote au conseil d’administration, à la liberté pédagogique des enseignant·es, étant donné que cela lui est explicitement interdit par l’aliéna 2 de l’article L912-1-1 du Code de l’éducation. Le conseil d’administration ne peut que voter ou rejeter le projet d’établissement. Il ne peut rédiger la partie pédagogique, tâche exclusivement dévolue au conseil pédagogique (4° de l’article R421-41-3 du Code de l’éducation). Il ne peut que voter pour l’approuver ou la rejeter (2° de l’article R421-20 du Code de l’éducation).

b. Sur la correction des copies

α. Rémunération pour correction de copies d’évaluation commune

Il ressort clairement des textes (→I.A.2.) qu’aucune rémunération supplémentaire ne peut être demandée pour la correction des copies d’évaluation commune. Sur ce point, le mandat juridique de SUD éducation est en accord avec le Ministère.

La participation à ces évaluations communes est volontaire (→I.B.5.), hormis le cas litigieux du projet d’établissement (→I.B.2.).

⚖️ La correction des copies d’épreuves d’évaluation commune ne peut faire l’objet d’une rémunération spéciale.

β. Participation obligatoire à la correction des copies d’autres classes

On rappelle la position du Ministère :

L’évaluation des élèves par les personnels enseignants ne peut se limiter aux seuls interrogations et devoirs auxquels l’enseignant soumet les élèves de ses classes tout au long de l’année scolaire dans la mesure où la nécessité de repérer les difficultés des élèves afin de mieux assurer la progression des apprentissages amène les personnels à pratiquer différentes formes d’évaluation.

Un enseignant ne peut donc pas refuser d’apporter son concours à la correction d’épreuves d’entraînement au diplôme national du brevet que subissent les élèves d’autres classes que les siennes puisqu’avec ses collègues, il forme une équipe pédagogique définie par l’article L. 912-1 du code de l’éducation comme « constitué[e] des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire (…). Les personnels d’éducation y sont associés ».

Le Ministère estime donc qu’un·e enseignant·e ne peut refuser d’apporter son concours à la correction d’évaluations communes que subissent les élèves d’autres classes que les siennes. Autrement dit, en cas d’évaluations communes, des collègues enseignant·es peuvent exiger des autres collègues constituant une équipe pédagogique qu’ielles corrigent des copies de classes qu’ielles n’ont pas, y compris si des enseignant·es refusent de participer auxdites évaluations communes (exercice de la liberté pédagogique que le Ministère ne connaît pas).

Les équipes pédagogiques sont définies à l’article L912-1 du Code de l’éducation : « les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves. Ils travaillent au sein d’équipes pédagogiques ; celles-ci sont constituées des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire et des personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires dans les écoles. Les personnels d’éducation y sont associés ». On trouve également une mention, différente, à l’article R421-49 du Code de l’éducation : « les équipes pédagogiques constituées par classe, ou groupe d’élèves éventuellement regroupés par cycles ».

Le Ministère estime donc qu’il est possible d’imposer à des enseignant·es la correction de copies d’évaluation commune pour les classes qu’ielles n’ont pas, qu’ielles participent ou non au dispositif d’évaluation commune en question. Cela est valable pour les classes ou groupes que l’on partage avec des collègue, ou au sein de la même discipline, ou du même cycle.

✊🏽 Il est difficile d’infirmer la position du Ministère. Cependant, celle-ci n’a rien non plus d’évident. La bataille se joue donc sur le fait de sensibiliser les collègues (quand c’est possible) sur les difficultés à tous les niveaux (charge de travail supplémentaire, non-connaissance des élèves etc.) concernant ces corrections imposées. En tout état de cause, il semble difficile de trouver un argument pour s’opposer à la position du Ministère sur ce point. Ce constat juridique devrait inciter à la plus grande prudence concernant les évaluations communes.

On peut conseiller cependant d’inscrire une mention dans le projet d’établissement interdisant d’imposer des corrections aux enseignant·es pour les élèves qu’ils n’ont pas spécifiquement en classe.

γ. Argument de la nécessité des évaluations communes

Le Ministère soutient que :

L’évaluation des élèves par les personnels enseignants ne peut se limiter aux seuls interrogations et devoirs auxquels l’enseignant soumet les élèves de ses classes tout au long de l’année scolaire dans la mesure où la nécessité de repérer les difficultés des élèves afin de mieux assurer la progression des apprentissages amène les personnels à pratiquer différentes formes d’évaluation.

La note de bas de page ajoute :

La connaissance des différentes formes d’évaluation ainsi que les usages qui peuvent en être faits est d’ailleurs une des compétences nécessaires pour l’exercice du métier d’enseignant (cf. arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation).

L’argument du Ministère n’est pas recevable, en ce qu’il ne s’appuie sur aucun texte, et qu’une telle instruction constitue une violation de la liberté pédagogique (article L912-1-1 du Code de l’éducation). S’il est exacte que les « instructions du ministre chargé de l’éducation nationale » sont une limite à la liberté pédagogique (article L912-1-1 du Code de l’éducation), d’une part la DAJ n’est pas le ministre, et ne saurait donc limiter, par l’interprétation des textes, la liberté pédagogique et, d’autre part, il ne s’agit de toute façon pas d’une instruction. Pour donner instruction, il faut employer un moyen approprié, notamment une circulaire etc. De plus, cette tournure négative employée par la DAJ ne contient aucun ordre, ni aucune prescription claire. A contrario, si l’on devait considérer cette position comme une instruction, alors cela signifierait que les évaluations communes, en l’espèce les épreuves de brevet blanc, sont obligatoires au sein des établissements scolaires, ce qui n’est pas le cas. L’argument est donc fallacieux.

Par ailleurs, concernant la note de bas de page, le Ministère invoque des dispositions du référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation édicté par l’arrêté du 1er juillet 2013, et, plus précisément à la compétence P3 « Construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves », qui liste notamment la compétence consistant à « savoir préparer les séquences de classe et, pour cela, définir des […] modalités d’entraînement et d’évaluation. ». D’une part rien dans cette compétence n’impose les évaluations communes et, d’autre part, cet arrêté est placé en dessous, relativement à la hiérarchie des normes, aux textes du Code de l’éducation consacrant la liberté pédagogique (articles L912-1 et 912-1-1 du Code de l’éducation), et de l’article 2 du décret 2014-940. On ne saurait donc exciper de cette compétence vaguement définie par arrêté une modalité pratique et précise telle que l’obligation des évaluations communes, qui ne sont pas imposées à chaque enseignant·e et établissement en réalité.

⚖️ L’argumentation du Ministère sur ce point ne tient pas la route, et peut donc être aisément rejetée. Il ne peut s’agir ici d’une instruction officielle.

1L’administration pourrait tenter de lire (ce qui n’est pas complètement indéfendable au regard de la lettre du texte) qu’il est question d’« heures supplémentaires » dans cet article 4, et que le texte ne distingue pas ici entre HSA et HSE (ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus – « là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas non plus distinguer »), et que l’on peut donc, « dans l’intérêt du service », imposer deux HSE par semaine dans le cadre, par exemple, d’une évaluation commune. La situation, de mémoire du mandat juridique, ne s’est cependant jamais présentée, et ce contre-argument semble extrêmement improbable. Il n’est mentionné ici qu’au cas où l’administration, sans limite dans son usage de l’imagination lorsqu’il s’agit d’abuser de son pouvoir, n’ait l’idée de le mobiliser. Un moyen de contrer cet argument serait de rappeler que l’article 4 fait une référence à l’article 2, et que ce dernier texte contient les mentions des ORS, et du tempérament de l’article 4, dans le cadre de la mention « sur l’ensemble de l’année scolaire » dudit article 2. La mention « hebdomadaire », du III., présente également au I. de l’article 4, indique également une fréquence régulière, couvrant l’année.

2Le seuil est annuel (240 heures – alinéa 1 de l’article 15 du décret 2002-9). Cependant, s’appliquent les dispositions générales limitatives : (a) Concernant la journée – La durée de travail ne peut pas dépasser 10 heures par jour. Le repos minimum est de 11 heures par jour. L’amplitude maximale de la journée de travail est de 12 heures. Le temps de pause est d’au moins 20 minutes toutes les 6 heures de travail (article 3 du décret 2000-815) ; (b) Concernant la semaine – La durée maximale hebdomadaire absolue est de 48 heures (article L3121-20 du Code du travail).

3Verser une lettre de réprimande au dossier administratif d’un·e agent·e public·que constitue une sanction disciplinaire déguisée, annulée par le juge administratif.